Le tournant épistémologique des Humanités Numériques

En quelques années, l’ensemble des activités d’enseignement, de réflexion et d’édition critique a basculé sur un support numérique – ainsi que, sans doute, une grande partie de nos occupations personnelles et sociales. Parallèlement, les modes de validation du savoir et l’autorité même de l’institution universitaire se sont trouvés modifiés par la diffusion mondialisée et ouverte. L’émergence des humanités numériques va de pair avec une perte d’insularité disciplinaire et géographique de nos disciplines traditionnelles. J’explorerai l’hypothèse que ces humanités numériques sont favorisées et favorisent en retour l’émergence d’une épistémologie empirique et décentrée. Celle-ci s’accompagne d'une approche pragmatique, interdisciplinaire, décloisonnée des faits culturels qui ambitionne de se couper de catégories préconstruites et des schémas préfabriqués au profit d’une ontologie centrée sur leurs objets et d’une heuristique computationnelle et comme autonomisée. Ce tournant épistémologique conduit à la production de logiques de recherche qui sont moins individuelles, définitionnelles, essentialistes, ou critiques, que collectives, descriptive, transactionnelle et expérimentale.