L’image de presse et le tournant forensique

Participant(s): 

Lavoie, Vincent

Département d’histoire de l’art, Université du Québec à Montréal
Date: 
Jeudi, 24 Avril, 2014

Depuis le début des années 1970, détracteurs et défenseurs de la photographie de Robert Capa, La mort d’un soldat républicain, ont discuté sans relâche la localisation véritable du site de la tragédie, l’identité du soldat tué, la trajectoire des balles et l’ordre des images prises le 5 septembre 1936. Mais en terme de rhétorique probatoire et de stratégie de persuasion, le changement significatif est survenu en septembre 2000 lorsque Robert Whelan (qui avait toujours été convaincu de l’authenticité de l’image), mandata le capitaine Robert L. Franks, un expert de la police scientifique, afin qu’il donne son opinion sur la position du corps du soldat. À partir de ce moment précis, la photographie de Capa est devenue le terrain d’une plaidoirie et d’une joute judiciaire occupée par les experts de la police scientifique et médico-légale. La forensique, nouveau parangon de croyances irréfutables, s’est introduite dans le débat sur la véracité de cette icône photojournalistique.

L’appareil argumentatif et méthodologique de la police scientifique est maintenant un acteur à part entière du système interprétatif de l’image. De quoi cela est-il exactement le symptôme ? Dans cette conférence, je considérerais le modèle interprétatif de la forensique comme moyen de reformuler les valeurs de preuves et les valeurs probatoires du photojournalisme. Avec le cas de La mort d’un soldat républicain de Capa, j’avancerais que cette inflexion vers la forensique ne rouvre pas seulement le débat sur la revendication de la vérité dans le photojournalisme mais qu’elle fait le lien entre la photographie de presse et celle de scène de crime. Mon intention sera de sonder la croyance en l’image de presse qui reste à l’épicentre des questions fondamentales liées aux régimes de vérités.