Savoie, Ariane
À l’été 2013, le musée d’art contemporain de Montréal présentait l’œuvre de Eve Sussman et The Rufus Corporation, une installation plurimédiatique montée autour de la projection d’un film noir, White on White: algoritmicnoir. L’espace de projection était double : en premier plan l’écran de projection des images tournées et en deuxième, l’écran numérique où défilaient des lignes de code informatique. Le spectateur avait accès simultanément à deux formes de représentation du même objet, l’une donnée par le langage cinématographique et la seconde par le langage informatique. Lorsque Rodowick reprend de Lyotard le concept de figural, il définit l’espace de la signification dans l’événement de la pensée, ou encore dans un espace virtuel qu’il situe à la rencontre des éléments signifiants d’un même ensemble. Le figural, cet espace où signifie la représentation ne serait-il pas au mieux représenté par la figure de l’écran, dans White on White?
L’écran tel qu’il est montré dans l’œuvre est un lieu de passage, une surface vide qui s’inscrit dans le spectre de la représentation en portant ou en simulant des propriétés d’un langage qui lui est d’abord étranger. L’écran de cinéma est la surface de projection de la pellicule et l’écran numérique porte l’interface des logiciels qui réfléchissent le montage. Entre ces deux écrans, on confond nature et fonction parce que les deux deviennent mêmement les objets de la représentation. Comment dans White on White: algorithmicnoir, l’écran dépasse-t-il l’espace de la représentation pour s’inscrire comme lieu de passage de la signification? Comment devient-il figure de la signification?